Guillaume Dimanche
'sans titre'
(arbuste prélevé dans un espace vert parisien)
bien là que réside notre malaise : il nous impose sa présence, en dehors de nous et pourtant souvent induit par nous.
Alors que faire du déchet ?
Justement parce qu'il nous dérange, ne pourrait-il être un objet d'intérêt, tout spécialement dans une société si pressée d'avoir, de faire usage, et par conséquent de produire ces indésirables ? Dans l'ère de la célébration du présent, ce qui est passé de date (informations, nourritures), de mode (vêtements, décorations, langages) ne dispose plus d'espace de visibilité et vientencombrer de façon intempestive d'autres espaces qui ne les ont jamais souhaités. L'écologie environnementale propose un type de solution qui vise à réemployer le déchet dans un autre contexte pour lui donner un nouveau sens, une nouvelle fonction. Le voici alors réinvesti d'une valeur.
"everything is valuable. nothing is useless." (Krešimir Popović, artiste)
Le musée du retard agit en quelque sorte selon ce programme. Il est un espace d'accueil pour une foule d'objets issus de contextes géographiques et culturels multiples et dont la date de péremption est arrivée à terme. Alors qu'ils n'ont plus lieu d'être, le musée du retard leur offre un lieu 'd'être-encore'. Isolés un par un, ces objets possèdent la singularité de leur auteur et de leur lieu d'émergence. Confrontés les uns aux autres, ils élaborent une communauté d'existence en marge de ce qui est normalement digne d'être archivé. À travers eux se dessinent les typologies sensibles de la fabrication des informations vite diffusables, vite assimilables, vite oubliées. Des typologies qui persistent dans leur présence afin de faire apparaître les réflexes médiatiques à l'oeuvre dans nos sociétés contemporaines et à venir. Un musée du retard pour inaugurer les gestes futurs.
"L'essence d'un objet a quelque rapport avec son déchet : non pas forcément ce qui reste après qu'on en a usé, mais ce qui est jeté hors de l'usage." (Roland Barthes, Cy Twombly. Non multa sed multum)
Ce musée là nous donne à voir et à penser ce qui côtoie la limite de l'usage, de l'habitude, de la norme. Voire son en-dehors. Il est une porte ouverte sur un espace de contestation de l'objet passé devenu déchet. Un lieu d'existence des formes, quelles qu'elles soient, qui prennent
leur valeur dans une reconnaissance progressive de nos indésirables.
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